Quelle courbe d’apprentissage abrupte! Nous sommes présentement en plein cœur de la postproduction sur Le Chalet, une web série que j’ai aidée à développer et écrire avec les Productions Rêves Intentionnels (PRI) ici à Montréal. Tout va très bien à date mis à part le fait que les sessions de montage cette semaine mettent définitivement l’emphase sur l’indéniable importance d’un aspect du métier rarement abordé: le raccord.
En tant qu’actrice, j’ose sincèrement espérer avoir appris une chose ou deux à date au sujet du comportement professionnel et inclusif idéal que l’on devrait avoir sur un plateau de tournage. Je me plais en fait à penser que j’ai d’assez bonnes habitudes de travail et de collaboration. Mais en passant derrière la caméra sur ce projet je me rends compte aujourd’hui à quel point j’en ai encore à apprendre sur mon propre métier.
Après des heures et des heures, des journées entières passées à visionner et identifier tous les plans et toutes les séquences tournées durant 9 jours de production, la qualité du jeu des acteurs ancrée par notre coach Gilles Plouffe chez PRI et notre réalisateur Brent George, le défi est maintenant d’assurer la fluidité de l’assemblage visuel et sonore de toutes les meilleures prises sélectionnées. Les commentaires constructifs et la vision de Brent nous guident, notre monteuse Katia Cioce et moi, dans l’assemblage de chaque épisode.
En visionnant une prise choisie à côté de moi ce soir, Katia s’interroge tout à coup devant son écran :
Katia: “Regarde, sa main monte ici avant la fin du texte… ça ne fonctionne pas avec le contre-champ.”
Mylène: “Où ça? C’est le ‘close up’ qu’on avait trouvé le meilleur pour elle non?”
Katia: “Oui, mais regarde… »
Elle repart la séquence et je comprends tout de suite ce qu’elle veut dire. L’actrice à l’écran pose le même geste qu’elle faisait dans le plan large mais à un intervalle légèrement décalé sur ce plan plus rapproché.
Mylène: “Peut-on couper plus tôt? Plus tard?”
Katia: “Non, j’ai vérifié, ça ne marcherait pas avec le rythme de la scène jusqu’ici.”
Mylène: “C’est bizarre, j’aurais juré que c’était la prise que Brent avait approuvée…qui marchait le mieux dans la séquence.”
Katia: “Il veut absolument utiliser cette prise là?”
Mylène: “Benh oui, j’pense…attend laisse moi vérifier.”
Je passe à travers les feuilles de continuité pour la séquence en question et les commentaires notés le confirment, c’est bien la meilleure prise à utilisée ici au montage.
Mylène: (soupir) “Bon ok, essayons de voir si on ne pourrait pas trouver un plan large de cette même scène là qui marcherait mieux avec ce plan rapproché.”

Notre monteuse Katia Cioce s’acharne sur une scène de l’épisode 5 pour notre web série Le Chalet des Productions Rêves Intentionnels à Montréal.
Et ça continue comme ça tout au long du montage, on avance, on recule, et puis on avance encore, pour chaque scène et plan, chaque personnage, pour chacun et chacune de nos 11 comédiens et comédiennes à l’écran.
Lorsqu’on est sur le plateau, que le temps file et que le chaos organisé déferle partout et constamment autour de nous, je crois que notre devoir ultime en tant qu’acteur est de rester axé sur le moment présent, sur les réalités auxquelles fait face notre personnage, sur sa volonté dans la scène et dans le contexte général du récit dans lequel il œuvre. Qu’est-ce qui motive mon action ici ? Pourquoi vit-elle ce qu’elle vit comme elle le vit ? Je crois aussi que le corps doit rester détendu, alerte, le plus réceptif possible à l’inspiration du moment. C’est vrai, à chaque fois que le réalisateur cri ‘action!’, on se doit à mon avis de vivre chaque instant présent à fond et pour la première fois devant la caméra. Mon attention n’est donc pas naturellement portée vers la suite des choses, sur ce qui se passe après le tournage en postproduction à l’étape du montage. Cette magnifique responsabilité est en fait celle d’une personne clé dans l’équipe, la scripte.
Nous voici donc arrivé au sujet dont je voulais absolument vous parler aujourd’hui, celui du raccord. Plus précisément, lorsqu’on reprend 2, 3, 5, 10 fois la même scène lors d’un tournage, pensez-vous vraiment que je vais la jouer exactement de la même manière à chaque fois? Que je poserai mon stylo, boirai mon verre de vin ou jetterai un regard exactement de la même façon et au même moment à chaque prise? Bien sûr que non! À vrai dire, la réponse idéale ou la plus professionnelle ici devrait bien évidemment être que oui: je devrais idéalement pouvoir jouer une scène exactement de la même manière et 30 fois d’affilée si il le fallait. Le fait est que, en réalité, malgré tous mes efforts, ça n’est tout simplement pas possible.
D’où l’importance d’une personne indispensable dans l’équipe de production: la scripte. Sans elle, la création d’un moment spontané par un acteur deviendrait un réel cauchemar pour le reste de l’équipe et de la production. Pourquoi? Parce que sans la scripte, personne ne serait là pour garder un oeil braqué sur l’avenir du projet, sur le raccord et plus précisément sur la santé mentale du monteur en postproduction. Comme de fait, Katia soupire profondément à côté de moi en cherchant son plan large.
Pauline Béraud est la scripte, l’heureuse élue avec qui je travaille en ce moment sur un autre projet. Elle fait partie de l’équipe de production sur Les Jeunes Loups, une trépidante nouvelle série Québécoise du scénariste Réjean Tremblay qui se tourne à Montréal en ce moment. C’est le troisième plateau sur lequel on se croise elle et moi et laissez-moi vous dire une chose, Pauline est une scripte exceptionnellement accomplie. Lorsque Érik Canuel, notre réalisateur, dit «couper» sur son plateau, un petit 7 secondes assuré s’écoule avant qu’elle s’impose gracieusement dans mon champ de vision. Heureusement, ça n’arrive pas à chaque fois (dieu merci!) mais quand elle le fait, c’est toujours avec un doigté et une précision respectueuse, enjouée même et toujours au moment le plus propice pour le faire. Elle apparaît comme ça (d’où on ne sait jamais exactement), scénario à la main, stylo qui plane au dessus de ses pages, le sourire sincère aux lèvres et dans les yeux…bref, la patience incarnée.

Octobre 2012: la scripte Pauline Béraud au travail sur le plateau de Lac Mystère, nouveau long métrage d’Érik Canuel
Pauline: “Petite correction au texte quand tu dis… » ou bien « tu t’es accotée vers la gauche, pas vers la droite sur ton siège dans les autres plans” ou encore “c’était la main gauche pas la main droite.”
Mylène: “Bien sûr! Bien sûr, le texte est bien … mais j’ai bien dit ces mots exacts? Non?”
Pauline secoue la tête légèrement.
N’essayez pas de vous argumenter avec la scripte. À quoi ça sert? Elle est assise là devant ses moniteurs et elle voit tout. Elle entend tout. Mais vraiment tout! Je me rends compte maintenant, assise ici avec Katia, à quel point je suis reconnaissante qu’elles soient là elles, les scriptes. Je vous dis donc maintenant à toutes un gros MERCI! Merci à Martine, la magnifique scripte pour notre web série Le Chalet. Merci Pauline, pour ta patience et ton travail minutieux avec moi ces temps-ci. Merci à toutes celles avec qui j’ai travaillées à date et avec qui je travaillerai un jour.
Katia soupire à nouveau à côté de moi:
Mylène: “Ça va?”
Katia: “Ouais, je veux juste…vous étrangler des fois vous, les acteurs »
Mylène: LOL !!!
Pour ceux et celles qui ne l’auraient pas encore vu, voici la vidéo que nous avons créée pour le projet web série Le Chalet dans le cadre de notre campagne de financement indieGoGo:
Voici également la bande annonce et l’affiche officielle pour Lac Mystère, en salle ici au Québec dès le 23 Août. Heureuse de faire partie d’une telle distribution et de bientôt pouvoir partager cette histoire extraordinaire avec vous.
Ci-dessous, une photo de tournage que j’aime beaucoup de l’exceptionnel acteur Québécois Benoît Gouin et moi, prise sur le quai, au bord de ce fameux ‘Lac Mystère’…
Enfin, mon coach à Vancouver, l’acteur, scénariste et réalisateur Ben Ratner, vient pour la première fois donner son atelier intensif de jeu à Montréal les 23, 24 et 25 Août. Cela fait des années que je poursuis mon travail de scène avec lui et à chaque fois il me pousse à grandir et m’épanouir autant dans mon art que dans ma vie. Cette fois-ci, Ben a choisit une scène pour mon partenaire et moi tirée d’une pièce qui s’intitule The Motherfucker with the Hat de l’auteur et scénariste Américain Stephen Adly Guirgis. Le texte m’intimide…un très bon signe! J’ai hâte!
Bon et bien, je vous laisse maintenant avec la chanson ‘Friendly Yours’ du band Français Smooth. J’espère que vous passez une très belle journée ou soirée.